Wikileaks: 6 contre-vérités diffusées par les médias

Le 12 janvier 2011

Quelques mois après les premières divulgations des télégrammes diplomatiques par Wikileaks, il semble qu'un certain nombre d'idées reçues continuent d'être alimentées par les médias dans l'opinion publique. Une mise au point s'impose.

La tendance des médias mainstream à diffuser de fausses informations, ou tout au moins des versions altérées de la vérité à plus que jamais été flagrante lors de la couverture de l’affaire WikiLeaks ces dernières semaines. Comme le pointait le juriste et blogueur Glenn Greenwald, les médias contribuent ainsi à ce que certaines idées reçues à propos de Julian Assange et de WikiLeaks persistent à exister en dépit de leur déconnexion totale avec la réalité des faits, le bon sens, et les analyses de ceux qui font du vrai journalisme.

Voici les principales informations bidons qui circulent actuellement dans les journaux et sur les ondes.

Les révélations de WikiLeaks sont meurtrières

Jusqu’à aujourd’hui, il n’existe aucune preuve, ni même aucune information qui laisserait croire que les fuites auraient couté des vies. Même les responsables du Pentagone ont admis, avant la publication des câbles, qu’aucune victime n’était à déplorer suite aux fuites sur les logs afghans (dans lesquels WikiLeaks n’avait pas supprimé les noms des personnes impliquées).

Ce qui ne veut pas dire que les révélations du site ne soient pas susceptibles, un jour, quelque part, de provoquer des blessés, voire des morts. Mais comment s’en plaindre lorsque l’on est à la tête d’un pays engagé dans plusieurs conflits armés – dont certains secrets – qui provoquent chaque jour des victimes parmi les populations civiles sans que l’on en fasse tous les jours la une ?

WikiLeaks a publié 250.000 télégrammes

Pour l’heure, WikiLeaks a divulgué moins de 2 000 télégrammes diplomatique parmi le total des 251.287 documents en sa possession. Ces documents ont été publiés en partenariat avec plusieurs médias de renom tels que The Guardian, El Pais, et Le Monde , lesquels ont largement contribué à supprimer des documents les noms des personnes qui pourraient être menacées par leur publication. Bien que ce processus ait été assez souvent expliqué et détaillé par les médias sérieux, cela n’empêche toujours pas certains commentateurs et gouvernants de dénoncer la manière dont Wikileaks « balance sans discernement des centaines de milliers de documents sur internet ».

Julian Assange est un criminel

Bien que le département d’état américain travaille activement à l’établissement de chefs d’accusation à l’encontre de Julian Assange, il semble bien que pour le moment il n’ait enfreint aucune loi. En effet, Julian Assange n’est pas un citoyen américain. A ce titre, il ne travaille pas pour le gouvernement américain, et les documents fuités n’ont pas été obtenus par ses soins, ils ont probablement été récupérés par quelqu’un d’autre. Par ailleurs il n’est pas illégal de diffuser des informations classifiées par le gouvernement américain. Car si tel était le cas, des centaines de journalistes seraient en prison aujourd’hui.

Les médias sont utiles à l’État américain dans sa tentative de trouver des bases juridiques à la poursuite de Julian Assange, en cela qu’ils participent à la construction de l’opinion selon laquelle le porte-parole de WikiLeaks serait un criminel de génie. De nombreux médias américains continuent de présenter Assange comme coupable de comportements criminels sans même spécifier de quels crimes il s’agirait.

Les efforts conjoints du gouvernement américain et des médias pour couvrir Assange de goudron et de plumes ne sont pas sans conséquences : cela pourrait dissuader de prochains lanceurs d’alertes d’agir.

Wikileaks n’est pas une entreprise de journalisme

Malgré le fait que WikiLeaks ait mis en lumière le scoop de la décennie, les responsables politiques continuent à nier l’activité journalistique de WikiLeaks. Pourtant, la plupart des activités de WikiLeaks sont identiques à celles d’autres  médias. Fondamentalement, WikiLeaks récolte des informations de sources anonymes et les publie. Le journalisme n’est rien sinon un système de vérification et de contre-pouvoir aux gouvernements, et un droit fondamental de la presse libre. De plus, WikiLeaks sélectionne, édite et vérifie les secrets dont il dispose avant de les publier tel un journaliste qui sélectionne les ressources dont il dispose pour écrire ses articles.

Parce que le travail de WikiLeaks tombe sous le premier amendement de la constitution américaine, tous les journalistes devraient être outrés que le gouvernement tente de poursuivre Julian Assange. Car si Wikileaks est condamné pour mener une activité journalistique, quel serait alors l’avenir de la liberté de la presse ? L’une des institutions les plus respectées du journalisme dans le monde, la Columbia University Graduate School of Journalism, est très explicite à ce sujet.

En Décembre dernier vingt membres du corps professoral ont rédigé et signé une lettre au président Obama et au procureur général Eric Holder pour signaler que les poursuites contre WikiLeaks créeraient un

dangereux précédent pour les journalistes, quelle qu’en soit la forme, ce qui pourrait jeter un froid sur le journalisme d’investigation et autres activités potentiellement protégées par le premier amendement.

La fondation Walkley, une institution de journalisme australienne l’exprime d’une manière plus directe encore : «

Intervenir agressivement pour faire taire Wikileaks, menacer ceux qui publient les fuites, ou encore émettre des pressions sur ceux qui traitent avec Assange, constituent une menace grave pour la démocratie car celle-ci repose sur une presse libre et sans craintes.

Julian Assange fait de l’argent avec WikiLeaks

Les journaux ont beaucoup parlé du fait que Assange a signé un contrat d’édition pour vendre ses mémoires. Pour certains médias, son but serait de gagner de l’argent sur le dos de WikiLeaks. Mais la vérité est plutôt que WikiLeaks est une aventure très coûteuse (sans parler des frais de défense) et que la vente du livre autobiographique serait davantage le moyen de combler les pertes accumulées au fil des semaines.

Les télégrammes diplomatiques ne sont pas de l’information

Bien que seule une infime partie des télégrammes ait été publié pour le moment, de nombreux observateurs argumentent qu’ils « ne révèlent rien de nouveau au monde » et n’ont donc pas grande valeur. Pourtant il y a bien des exemples de révélations importantes [liste en cours d'édition, n'hésitez pas à nous fournir des liens en commentaires]:

La promesse que la prochaine version ciblera une banque américaine (probablement la Bank of America), et que cela aura un effet similaire au scandale d’Enron (selon Assange) présage certainement que cette mine d’informations pourrait bien être explosive.

Ce qui est extrêmement précieux pour nos démocraties.

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Adaptation d’un article de Julianne Escobedo Shepherd et Tana Ganeva paru sur AlterNet.org

>> photos flickr CC takver ; slayer925 ; alxcovic

Retrouvez l’ensemble de notre travail éditorial et technologique sur WikiLeaks à cette adresse: http://wikileaks.owni.fr

Traduction et adaptation : Stanislas Jourdan

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